Gorée – Sénégal
La Maison des Esclaves est un édifice historique situé sur l’île de Gorée, tout près de Dakar. En premier lieu, cette maison appartenait à la Signare Anna Colas
Pépin, niéce d’Anne Pépin.
Ce bâtiment rose se trouve sur la côte est de l’île, situé rue Saint-Germain, face au Musée de la Femme Henriette Bathily.
C’est un lieu d’une grande portée symbolique et, une destination incontournable pour quiconque — personnalité en vue ou touriste anonyme — se rend au
Sénégal.
De fait, cet édifice à deux étages construit au XVIIIe siècle — la date exacte reste sujette à controverse, comme on le verra ci-dessous — n’est pas très
grand. Au rez-de-chaussée, les « cachots » sont vides et les seules traces tangibles d’un passé tragique sont quelques chaînes rouillées et les écriteaux
à l’entrée des cellules (Hommes, Enfants, Chambre de pesage, etc.). Cependant le regard du visiteur est immédiatement attiré par une ouverture
lumineuse au milieu du couloir central. Donnant de plain pied sur la côte rocheuse, c’est la porte du « voyage sans retour », là où — nous dit-on — les esclaves
embarquaient pour une vie de souffrance dans le Nouveau Monde, encadrés par des gardiens armés au cas où ils auraient tenté une évasion.
Un peu à l’écart, à droite du porche d’entrée, se trouve le bureau du maître des lieux, tapissé de documents et de citations humanistes, telles cette déclaration
d’Hampâté Bâ : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » ou d’autres aphorismes et incantations de son propre cru : « Qu’à tout
jamais, pour la préservation de ces lieux, les générations se souviennent pieusement des souffrances endurées ici par tant d’hommes de race noire ».
Si la demeure n’est pas spectaculaire en elle-même, en revanche l’éloquence du conservateur Joseph Ndiaye (1922-2009) laisse rarement le visiteur indifférent, et l’émotion en gagne plus d’un, notamment lorsqu’il évoque les trois siècles d’esclavage à Gorée, les 15 à 20 millions de Noirs (dont six millions auraient succombé à la malnutrition et aux mauvais traitements) qui auraient quitté l’île à destination des plantations américaines. Le conservateur décrit aussi longuement les familles séparées, les hommes pesés comme du bétail et l’absence dramatique d’hygiène dans les « cachots » sordides de cette Maison des Esclaves.
Dès les années 1960, la détermination de Joseph Ndiaye a redoublé l’attention des médias, des gouvernants et des organismes internationaux sur une île que la création du Festival mondial des Arts nègres en 1966 avait déjà sortie de l’anonymat. Un vaste plan de sauvegarde se met en place. En 1975, Gorée est inscrite sur l’inventaire des monuments historiques du Sénégal et en 1978, sur la liste du patrimoine mondial. Sous l’égide de l’UNESCO, un timbre français consacré à la Maison des Esclaves est émis en 1980 dans la série « Patrimoine mondial ». Les Postes sénégalaises ont également, à plusieurs reprises (notamment en 1985, 1994 et 1998), émis des timbres dédiés à la sauvegarde de Gorée et en particulier à la Maison des Esclaves. En 1990, celle-ci est restaurée avec l’aide de l’UNESCO, de nombreux organismes — dont la fondation France Libertés —, ainsi que des fonds privés.
Cette consécration internationale lui a conféré une apparence de légitimité et l’organisation onusienne est allée jusqu’à la qualifier de « centre historique du commerce triangulaire », la désignant comme « un lieu hautement symbolique de l’histoire des peuples ».
Chaque jour, à l’exception du lundi, les touristes se pressent à l’entrée soit environ 500 par jour.
De nombreuses personnalités ont ainsi fait le voyage, tels le président du Sénégal Abdoulaye Wade, son prédécesseur Abdou Diouf, les présidents Bongo, Houphouët-Boigny, Lula, François Mitterrand, Jimmy Carter, Bill Clinton et George Bush, l’empereur Bokassa Ier, l’impératrice Farah Diba et sa mère, le roi Baudouin et la reine Fabiola, Michel Rocard, Jean Lecanuet, Lionel Jospin, Régis Debray, Roger Garaudy, Harlem Désir, Bettino Craxi, Nelson Mandela, Jesse Jackson, Hillary Clinton et sa fille, Breyten Breytenbach, les chanteurs James Brown et Jimmy Cliff ou encore le pape Jean-Paul II qui vint en 1992 y demander le pardon du Ciel « pour ce péché de l’homme contre l’homme, ce péché de l’homme contre Dieu ». La Maison des Esclaves a notamment inspiré un film, « Little Senegal » de Rachid Bouchareb, des romans, des livres pour enfants et même une bande dessinée.
Sans doute Léopold Senghor avait-il pressenti un tel engouement lorsque, dès 1967, il remercia le conservateur Joseph Ndiaye pour son éloquence et sa « contribution efficace au développement culturel et touristique du Sénégal ».